LANCIA RALLY 037
Descendante
directe des Lancia Beta Montecarlo Groupe 5 qui remportèrent les
Championnats du Monde d'Endurance 1979, 1980 et 1981, la Lancia Rally
"projet 037" est présentée à la fin du mois d'octobre 1981. Il ne
s'agit encore que d'une version prototype en attente d'homologation,
mais on peut néanmoins considérer que la Lancia 037 est historiquement
la première "vraie" groupe B. Les plus récentes séances d'essais des
prototypes portent sur l'évaluation des performances entre le
compresseur et le turbo. Comme ce fut le cas lors de la précédente
comparaison entre les Beta Montecarlo Groupe 5 : sur les pistes
d'essais Fiat et Pirelli, l'avantage du chrono va au compresseur.
Conforté dans ses
choix par le bilan largement positif des différentes études
préliminaires et en dépit du trouble causé par les performances des
Audi Quattro, Cesare Fiorio opte pour une stricte deux-places,
deux-roues motrices hyper légère, disposant d'une bonne accessibilité
mécanique. Pourtant, face aux débuts prometteurs des Audi Quattro,
nombreux sont ceux qui considèrent qu'il s'agit d'une option onéreuse
et risquée, sachant qu il sera obligatoire de construire deux cents
voitures identiques afin d'obtenir la fameuse homologation en groupe
B. La Lancia Rally diffère complètement de la Beta Monte-Carlo de
route, précédemment commercialisée ; cette berlinette conçue
exclusivement pour la compétition, n'offre qu'un confort minimum ; le
moteur est toujours le quatre cylindres double ACT dérivé de la Fiat
131 Abarth, non plus en position transversale comme sur la Beta
Montecarlo mais longitudinale, afin de simplifier le travail des
mécaniciens lors des assistances. La version groupe B débute en
Sardaigne à l'occasion du rallye Costa Smeralda disputé au début du
mois d'avril 1982. Cette épreuve est inscrite au championnat d'Europe,
ce qui implique que les deux cents exemplaires de la version routière
requis pour l'homologation sportive ont déjà été construits et soumis
aux inspecteurs de la FISA.
D'emblée,
l'observateur est frappé par la parfaite similitude entre les versions
routière et compétition. Une démarche inverse de celle d'Audi qui
s'engage en rallye avec des Quattro dérivées du modèle commercialisé
en grande série tandis que la Lancia 037 est d'abord une voiture de
compétition qui sera ensuite proposée à la vente.
Dessinée par les
maîtres carrossiers de Pininfarina, la Rally 037 est fonctionnelle,
extrêmement basse, une caractéristique qui a nécessité l'ajout de
nombreuses protubérances, dont un volumineux aileron et deux bossages
de toit destinés à faciliter le port du casque. Chaque détail a été
pensé pour une efficacité maximale sans aucune concession d'ordre
esthétique ou financier. Ainsi, la cellule centrale est constituée
d'une structure monocoque en aluminium tandis que deux faux châssis
tubulaires supportent les suspensions à l'avant puis le moteur et la
transmission à l'arrière. L'ensemble, particulièrement compact, est
recouvert d'une carrosserie en polyester entièrement démontable.
Mais l'élément le
plus intéressant est bien évidemment le moteur, suralimenté par un
compresseur qui développe 265 cv dans sa première version à
carburateur double corps Weber. L'une des caractéristiques communes à
tous les compresseurs volumétriques est de fournir une puissance
régulière mais inférieure à celle procurée par un turbo et
accessoirement d'émettre une sonorité métallique caractéristique.
Techniquement, le
compresseur Abarth, d'une cylindrée de 1 130 cm3, est situé entre le
carburateur et la culasse, ce qui signifie qu'il véhicule un mélange
gazeux inflammable, contrairement au turbo qui ne véhicule que de
l'air. Si le moteur dérive toujours du quatre cylindres double ACT de
la Fiat 131 Abarth, la cylindrée atteint 1 995 cm3, soit l'équivalence
théorique de 2 793 cm5 après correction obligatoirement appliquée aux
moteurs surcomprimés.
Avec une puissance
de 320 cv pour moins de 800 kg, la Lancia Rally devient un engin
redoutable en "particulier sur terrain cassant où les suspensions à
grand débattement seront des alliées précieuses. La première
confrontation internationale (après les rallyes Costa-Smeralda et
Isola d'Elba) a lieu à l'occasion du Tour de Corse 1982 où deux
voitures sont confiées à Markku Alen et Attilio Bettega, qui sera
victime d'une violente sortie de route qui mettra en évidence la
fragilité de la 037 en cas de choc latéral. Cet accident, qui aurait
pu avoir des conséquences dramatique, ne remettra cependant pas en
cause le programme de développement : en effet, une seconde évolution
de la Rally 037 apparaîtra au rallye de Madère. Les modifications sont
nombreuses, dont les portes en Kevlar et surtout l'injection mécanique
Bosch qui remplace le carburateur Weber, complétée d'une injection
d'eau. Ces modifications sont essayées à l'occasion du Tour de France
automobile patronné par Martini, où deux 037 sont confiées à Adartico
Vudafieri et Jean-Louis Clarr. Les deux pilotes réaliseront plusieurs
temps scratch puis seront retardés par d'inquiétants problèmes
d'allumage. C'est à partir du rallye San Remo et surtout au RAC que
les Lancia vont pouvoir exprimer leur potentiel face aux Audi Quattro,
Alen terminant 4ème du classement général et surtout 1er
des groupes B, les Audi Quattro et Opel Ascona 400 évoluant encore en
groupe 4.
Les problèmes de
jeunesse qui concernaient surtout la fiabilité des moteurs et des
transmissions, ainsi que la tenue de route, semblent avoir été résolus
à la fin de la saison 1982. Des résultats qui confirment l'exactitude
du raisonnement de Cesare Fiorio, la maturité des 037 coïncide
parfaitement avec le véritable démarrage du groupe B, puisque la
saison 1982 n'a constitué qu'une période de rodage.
Les Lancia de
Rôhrl et Alen terminent aux deux premières places du rallye de
Monte-Carlo 1983, ce qui signe le triomphe de l'équipe Lancia.
Toutefois, l'absence de neige, lors de cette épreuve, avait favorisé
la vélocité des italiennes. Le rallye du Portugal, troisième épreuve
de la saison (Lancia n’a pas souhaité engager de voitures au rallye de
Suède), constituera un match décisif sachant que le revêtement
majoritairement en terre donnera de précieuses indications pour le
reste de la saison. Contre toute attente, les Audi Quattro de Hannu
Mikkola et de Michèle Mouton réalisent le doublé devant les Lancia de
Rôhrl, Alen et Vudafieri. Comme l'équipe l'avait prévu, Lancia
n'engage aucune voiture au rallye du Kenya remporté par l'Ascona 400
de Vatanen, mais les Audi Quattro, 2ème et 3ème,
marquent de précieux points au Championnat.
Deuxième épreuve
disputée à 100 % sur asphalte, le Tour de Corse 1983 s'achève sur un
triplé des 037, la voiture semi-officielle de Vudafieri complétant les
prestations de Alen, 1er, et Rôhrl, 2ème ;
Andruet a été pour sa part contraint à l'abandon. Encore un doublé au
rallye de l'Acropole où Rôhrl précède Alen : c'est la première
victoire remportée sur un terrain traditionnellement cassant. Puis
encore un triplé obtenu au rallye San Remo. La chance et la réussite
semblent avoir définitivement tourné au bénéfice de l'équipe Lancia,
d'autant plus que Walter Rôhrl remporte également le rallye de
Nouvelle-Zélande où les trois Audi Quattro d'usine sont contraintes à
l'abandon.
À ce point de la
saison, Lancia est confortablement en tête du championnat du monde
constructeurs - il faut attendre le rallye d'Argentine pour que les
Audi remontent aux points en plaçant quatre voitures aux quatre
premières places, avant de réaliser encore deux doublés à l'occasion
du rallye des 1 000 Lacs et du RAC, les Lancia-Martini étant absentes
lors de cette dernière confrontation. Arithmétiquement, les Audi
seraient championnes du monde au terme des dix épreuves qualificatives
mais seuls les huit meilleurs résultats sont pris en considération, ce
qui a pour conséquence de sacrer l'équipe Lancia qui remporte le
Championnat du monde des rallyes 1983 avec seulement deux points
d'avance sur Audi. Cette victoire sera la dernière d'une, voiture
munie seulement de deux roues motrices. Nul doute qu'une page de
l'histoire du sport automobile venait d'être tournée avec la fin
prochaine d'une génération de voitures classiques dont les longues
glissades enthousiasmaient le public.
Conformément au
règlement du groupe B, Lancia engage à compter de la saison 1984 une
troisième évolution de sa 037 qui débute au rallye Monte-Carlo. Par
rapport à la version d'origine, on note quelques modifications de la
carrosserie et surtout une élévation de la cylindrée qui passe à 2 111
cm3, soit la limite supérieure de la classe pour un poids inchangé.
Ces quelques modifications semblent dérisoires face à la concurrence
désormais forte de Renault, ponctuellement à celle de Peugeot, Toyota
et Nissan, mais surtout Audi, qui termine la mise au point de la Sport
Quattro.
En réalité on est
déjà convaincu chez Lancia de l'intérêt de disposer d'une transmission
intégrale et Giorgio Pianta, le responsable technique, fait construire
en prévision de la saison 1985 une Trevi bimoteur dotée de 2x2 roues
motrices. Cette situation de concurrence exacerbée qui constitue l'une
des caractéristiques du groupe B est encore compliquée par le départ
de Röhrl qui rejoint l'équipe Audi. Le trio infernal constitué Röhrl,
Blomqvist et Mikkola réalise un superbe tir groupé pour le
constructeur allemand à l'occasion d'un rallye Monte-Carlo
particulièrement enneigé. Face à eux, la nouvelle équipe
Lancia-Martini, constituée de Biasion, Alen et Bettega, ne peut que
limiter les dégâts aux 5ème, 6ème et 8ème
places.
Le reste de la
saison 1984 sera à l'image du rallye Monte-Carlo : à l’exception du
Tour de Corse où Alen et Biasion réalisent le doublé, les Lancia 037
sont dominées non seulement par les Audi Quattro et Quattro Sport mais
également par les Peugeot 205 T16, sans oublier la nouvelle Toyota
Celica Turbo. Ces piètres résultats incitent Cesare Fiorio à tirer les
conséquences de l’évolution rapide de la concurrence et à lancer
l'étude d'une voiture de rallye disposant d'une transmission
intégrale. Il s’agit de la Delta S4, dont la présentation officielle a
lieu courant décembre 1984 mais qui ne sera pas homologuée avant
l'année 1985 ; autant dire que les Rally 037 s'acheminent vers une fin
de carrière mouvementée. Le seul aspect positif concerne l'engagement
d'un jeune pilote bourré de talent : Henri Toivonen, le fils du
célèbre Pauli, ancien vainqueur du rallye Monte-Carlo sur Citroën.
Malheureusement,
les Rally 037 ne tiennent plus la comparaison face aux Audi Quattro
Sport et Peugeot 205 Tl6 dont l'Évolution 2 est engagée à partir du
Tour de Corse 1985 ; une compétition une fois de plus dramatique pour
l'équipe Lancia, Attilio Bettega étant victime d'un accident mortel
après que sa 037 ait heurté un arbre dans la 4ème épreuve
spéciale (Zerubia), Biasion et Alen se retirant immédiatement en signe
de deuil. La meilleure performance de cette saison 1985 reviendra à
Miki Biasion, 2ème au rallye du Portugal avec une voiture
semi-officielle (Jolly-Club), l'homologation de la Delta S4 étant
synonyme de retraite officielle pour celles qui auront illustré une
certaine conception du sport automobile basée sur la légèreté et la
maniabilité.
Inversement, les
Rally 037 connaîtront une meilleure réussite dans les championnats
nationaux et même en championnat d’Europe avec les performances
réalisées par Biasion, Vudafieri, Capone, Andruet, Darniche, Zanussi,
Cerrato, Tabaton et même Clarr qui avait pu disposer d'une voiture
d'usine lors du Tour de France automobile de 1982.
Les Lancia 037
officielles du Martini Racing seront engagées une dernière fois au
Safari 1986, pilotées par Markku Alen et Miki Biasion, démontrant une
certaine supériorité face aux quatre roues motrices grâce à quantité
de modifications de détails dues des échecs précédents.
Données Techniques de la Lancia Rally 037 Stradale :
Moteur 4 cylindres en ligne de 1995cm3 à 16S et 2 ACT
84 mm x 90 mm
Compression 7.5:1
Double carburateurs Weber 40DCN et compresseur Roots "Volumex"
205 cv à 7000tr/min et 23,8 mkg à 5000trs/min
Dimensions L/l/h : 3915 mm /1850 mm /1245 mm
Empattement : 2440 mm
Voie av/ar : 1508 mm/1490 mm
Suspensions avants : double triangle avec amortisseurs télescopiques
et ressorts coil springs
Suspensions arrières : double triangle avec deux amortisseurs
télescopiques par roue et ressorts coil springs
Poids : 1170 kg
Jantes avants : 8 x 16 - arrières : 9 x 16
Pneus Pirelli P7 AV 205/55/16, AR 225/50/16
Vitesse maximale : 220km/h
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